HISTOISE DE LA VIDEO

L'art vidéo était très lié à l'époque de sa naissance au développement de Fluxus(2) en Europe et aux Etats Unis. S'il est né fortuitement de la perturbation de l'image télévisée, on peut dire que c'était dans un climat propice. Dès la fin des années 50, aux États Unis, Allan Kaprow, David Tudor, Morton Feldman, Jasper Johns et Robert Rauschenberg, au Black Mountain College, tentent de faire éclater les conceptions traditionnelles de l'art. Rauschenberg ose installer le public au milieu d'une pièce et lui présenter des " peintures ", miroirs sur lesquels jouaient la lumière et l'ombre, tandis qu'un pianiste tapait toujours la même note sur son instrument... Ce fut l'un des premiers concerts Fluxus aux ÉtatsUnis. A partir de 1959, Rauschenberg fit de plus en plus pénétrer la technologie dans ses " combine paintings " tandis qu'au début des années 60, Andy Warhol s'écriait " Je veux peindre comme une machine, je veux être une machine. " Wesselman incorporait des postes de télévision à ses tableaux et Clément Greenberg écrivait: " Créer une oeuvre d'art, c'est de plus en plus établir une convergence entre art et technique. " La télévision joue un rôle de plus en plus envahissant dans la vie quotidienne de l'américain moyen; Bill Viola a pu ainsi écrire " J'ai eu une enfance à sept chaînes. " Les " artistes en résidence " commençent à travailler pour l'industrie et les ingénieurs à pénétrer dans le monde de l'art.C'est dans ce contexte qu'en 1963, lors d'une exposition à la Galerie Parnasse de Wuppertal, en Allemagne, deux artistes Fluxus, I'Allemand Wolf Vostell et le Coréen NamJune PaIk s'aperçurent qu'en approchant un aimant du tube cathodique d'un poste de télévision, ils en altéraient les composantes électroniques. Nam June Paik " préparera " alors ses téléviseurs en transformant les circuits électroniques tout comme son ami John Cage " préparait " ses pianos dès 1938. Pour Vostell, ce fut le début de ses " Décoll/ages " , pour Palk, le commencement d'une réflexion sur les possibilités de la distorsion de l'image télévisée. Ses recherches devaient donner naissance à l'art électronique, ou art vidéo.
Nam-June Paik commence à penser à la vidéo en termes artistiques. Après avoir obtenu très simplement la déformation de l'image noir et blanc, il part au Japon étudier les propriétés de l'image couleur, et met alors au point, avec l'ingénieur japonais Shuya Abe, le premier synthétiseur d'images qui porte leurs deux noms et qui permettra de générer n'importe quelle forme colorée à partir de l'image noir et blanc, n'importe quel son, et qui peut-notion essentielle pour Paik- mélanger tous les genres: musique, théâtre, discours, danse, images, spots publicitaires, selon une répartition souvent aléatoire.
Pour le musicien qu'il est avant tout(3) il s'agit là d'un " piano à lumières " ...
En 1965, Paik s'installe à New-York et publie " Understanding Media " . La même année, Sony lance sur le marché américain, le " portapack " ou unité vidéo légère et Paik l'utilise pour enregistrer tout ce qu'il voit et entend de la fenêtre d'un taxi qui l'emmène à travers New-York. C'est " Café Gogo, 152 Bleecker Street " ou " cinq ans de vieux rêves et la combinaison de la télévision électronique et de l'enregistrement sur bande vidéo deviennent réalité ". C'est aussi le début pour lui de recherches fructueuses de plus en plus complexes et sophistiquées. La bande sera présentée la même année dans une galerie new yorkaise: I'art vidéo a pénétré-faiblement-dans le circuit marchand.
A partir de cette date, les principales chaînes de télévision américaines offrent à des chercheurs/artistesvidéo la possibilité de réaliser des programmes expérimentaux qui seront diffusés régulièrement, comme la série " The medium is the medium " produite par Fred Barzyk (1969). Bientôt, les laboratoires des grandes universités vont également donner des moyens de recherches à de nombreux artistes, et fin 1969, la Howard Wise Gallery de New York organise la première exposition d'art vidéo intitulée " T.V. as a creative medium " à laquelle participent de nombreux artistes comme Frank Gillette, Ira Schneider, Nam-June Paik et Charlotte Moorman, sa partenaire, violoncelliste de formation classique, devenue Fluxus au contact de Paik avec lequel elle réalisera des happenings-concerts, et pour laquelle celui-ci concevra son fameux " T. V. Cello ", performance qu'on retrouve dans la plupart de ses bandes.
Si le synthétiseur Abe-Paik est utilisé par de nombreux artistes-il synthétise la couleur à partir du noir et blanc, il effectue des modulations de grille, il change instantanément l'image par un système de boutons qui modifie la couleur et les formes par distorsion-d'autres, comme Stephen Beck ou Ed Emshwiller construisent leurs propres synthétiseurs.
A partir de 1970, la revue " Radical Software " va paraître réqulièrement et Gene Youhgblood publier " Expanded Cinema " . Bill Etra et sa femme Louise, Woody et Steina Vasulka fondent à New-York un laboratoire d'images électroniques - qui est encore à l'heure actuelle le plus important de New-York-" The Kitchen " qui présente quotidiennement des programmes de bandes et des installations vidéo.
L'Everson Museum de Syracuse (N.Y.) va ouvrir une vidéothèque publique.
Le Canada s'est très tôt intéressé aux recherches sur l'art vidéo, en relation avec les expériences de télévision par câbles et, à partir de 1971, le Vidéographe de Montréal propose aux habitants de la ville de réaliser eux-mêmes leurs bandes qui seront ensuite diffusées à travers tout le pays.
En Europe, nous avons vu que la naissance et le développement de l'art vidéo étaient liés à Fluxus et que Wolf Vostell, dès 1960, exposait des " décoll/ages " de programmes de télévision, c'est-à-dire qu'il brouillait artificiellement et décomposait ses images. En 1969, Gerry Chum ouvre sa vidéo-galerie à Dusseldoff, et édite des bandes à tirage réduit et numéroté. Le Musée d'Essen - dont il est nommé conseiller-crée la première vidéothèque européenne, bientôt suivi par la Neue Galerie de Berlin. La 5e Documenta de Cassel propose - 1972 - une importante section d'art vidéo; puis, en 1974, " Projekt 74 " à Cologne consacre plusieurs salles à des installations vidéo. La 6e Documenta - 1976 - propose un grand nombre d'installations et des bandes des principaux artistes européens et américains.
En Suisse, des recherches ont été entreprises dés 1969 par des artistes-théoriciens (tels que Minkoff Otth, Banermelster, Olesen) qui ouvrent à Lausanne la Galerie " Rencontre " où sont projetés des programmes d'art vidéo; ils sont fortement épaulés par René Berger, critique d'art, auteur de nombreux ouvrages sur l'importance des media tant au niveau artistique que sur le plan de la communication.
En Italie, Luciano Cioccari fonde sa propre vidéothèque en 1967 à Varèse; en Belgique, le Palais des BeauxArts de Bruxelles avec Michel Baudson, I'l.C.C. d'Anvers avec Flor Bex, présentent des programmes et des installations vidéo d'artistes belges et étrangers.En France, après avoir présenté le Vidéographe de Montréal dans le cadre de l'exposition " Canada Trajectoire "en 1973, l'A.R.C. propose la première grande exposition internationale d'art vidéo " Art Vidéo Confrontation 74 " en novembre 1974. Pour la première fois, le public français découvrait, avec des bandes d'artistes américains, européens et français, des installations de Dan Graham, NamJune Paik, Frank Gillette, Taka limura, Kit Galloway, Roland Baladi, etc.
Par ailleurs, Don Foresta, rue du Dragon d'abord puis au Centre Américain du boulevard Raspail accueille des programmes des plus importants artistes américains; il enseigne l'art vidéo dans son studio particulièrement bien équipé, aux éléves de l'École Nationale des Arts décoratifs de Paris, d'où sont sortis de jeunes artistes pleins de talent comme Yann N'Guyen ou Wonder Products.
Il convient de rappeler que le Service de la Recherche de l'O.R.T.F. (actuelle l.N.A.) utilise depuis une dizaine d'années déjà un synthétiseur couleurs qui a permis à ses chercheurs-Robert Cahen, Dominique Belloir, Patrick Prado - de réaliser des oeuvres, et à des grands noms du cinéma-Godard-ou de la télévision-J.C. Averty-d'utiliser le medium.
Les Pays-Bas, I'Angleterre, le Portugal et l'Autriche ont également une production d'art vidéo qui commence à faire autorité.
Quant au Japon, pays où la technologie de pointe donne aux artistes les plus grandes possibilités d'utilisation de matériel sophistiqué, une production abondante d'où émergent quelques artistes- Yamamoto, Idemitsu, Nakajima, Yamaguchi-le place au tout premier plan quant à la vidéo expérimentale dont nous allons parler maintenant.

(2) Fluxus

Qu'est-ce que ¨ Fluxus ¨, noeud de la genèse des principaux courants d'avant garde et des principaux happenings qui eurent en Europe et aux États-Unis dans le courant des années 60 ?
État d'esprit, façon d'être, ensemble d'idées incroyablement variées, " Fluxus " a été engagé à différents niveaux dans l'invention, le développement et la théorie, de bon nombre d'aspects de l'art contemporain tels que l'art postal, les arts de la communication, et l'utilisation des media, particulièrement de la vidéo, la performance et le happening, I'art conceptuel, la poésie concrète, les coopératives d'artistes, les espaces alternatifs, la musique nouvelle, les spots publicitaires, les musées intermittents ou ambulants, etc. C'est un courant de pensée, qui a plus ou moins spontanément pris naissance sous la coordination de Georges Maciunas, et ses manifestations variées - performances, festivals, publications, expositions, concerts et happenings-ont plutôt été des activités superficielles qu'une stratégie professionnelle.
Les artistes " Fluxus " vivent partout dans le monde et officiellement, rien ne les relie entre eux si ce n'est une certaine façon de concevoir l'art à partir des influences qu'ils ont subies. Ce qu'ont en commun les artistes " Fluxus ", c'est une attitude commune envers l'art, une volonté d'innover.
Pendant une certaine période en 1966, Fluxus semble organisé avec la publication de la Charte, et Ben Vautier à Nice, Georges Maciunas à New York, Beuys et Vostell en Allemagne. A la fin des années 60, I'on constate une certaine baisse de l'impact de Fluxus, puis une reprise au début des années 70 avec la rétrospective organisée par Harald Szeemann. Enfin, au milieu des années 70, une nouvelle génération d'artistes s'intéressent à Fluxus.
Ainsi que le dit si bien NamJune Paik: " Fluxus n'est pas un mouvement; c'est un état d'esprit avec lequel on vit, avec lequel on mourra... "

(3) Nam-June PAIK

1932: Naissance à Séoul.
1956: Diplôme d'histoire de l'art et d'esthétique-Université de Tokyo.
1957: Études à l'Université de Munich.
1958: Participation aux recherches de Stockhausen et de Nono au Studio de Musique Électronique de Cologne. Rencontre avec John Cage et David Tudor.
1961: Participation au ler Festival Fluxus de Wiesbaden. Rencontre avec Georges Maciunas et Wolf Vostell.
1963: Participation à " Music and Electronic T.V. ", Galerie Parnasse, Wuppertal.
1964: Voyage au Japon - Rencontre avec Shuya Abe - Construction du robot, puis du synthétiseur Abe-Paik.
Voyage à New York- Rencontre avec Charlotte Moorman.
1965: Tournée en Europe avec Charlotte Moorman.Réalisation de la 1re bande " Café Gogo "à New York sur portapack Sony.
Participe au Festival d'avant garde de New York.
1967: Exposition à la Howard Wise Gallery, New York.
1968: Exposition Électronic Art II, Galerie Bonino, New York.
1969: Exposition " T.V. as a creative medium ", Howard Wise Gallery, New York.
1970: Happening Fluxus à la Kunstverein de Cologne.
1971: Concerto pour violoncelle et bandes vidéo avec C. Moorman.
1972: Consttuction de " T.V. Bra for a living sculpture ". " T.V. Bed " , projet vidéo pour Charlotte Moorman.
1973: Réalisation de " Global Groove ".
1974: " Videa & Videology ", Everson Museum, Syracuse (N.Y.)
Réalisation de " Video Bouddha " et de " T.V. Cello " .
Réalisation de " A tribute to John Cage ".
1975: " Suite 212 " (présentée sur le Channel 13 de la W.N.E.T.).
1976: " Fish flies in the sky ", Galerie Bonino.
" Guadalcanal Requiem ".
" Moon is the oldest T.V. "-Installation Galerie René Block N.Y.
1977: Rétrospective-Stedeilik Museum, Amsterdam.
1978: Rétrospective A.R.C., Musée d'Art moderne de la Ville de Paris.
Installation " Video gardens ", Centre Pompidou, Paris.
1982: Rétrospective Whitney Museum, New York.
Prix spécial du Festival d'art vidéo de Locarno.
" Allen and Allan's complaint " .
1983: Installation tricolorvidéo (300 moniteurs) Centre Pompidou.

 

 
 



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